Arnaud Beltrame et la grâce de l’Éternel

Nous avons le plaisir de publier Xavier Vest, un contributeur occasionnel, pour rendre hommage à Arnaud Beltrame :

Dans son magnifique hommage rendu à Arnaud Beltrame, Francois Xavier Bellamy déclarait « Le don de soi ne s’improvise pas, c’est la somme de générosité cultivée dans les jours ordinaires » pour expliquer l’altruisme enraciné chez cet être qui culmina dans son sacrifice fatal. Ainsi de par mon égotisme beylien, j’ai peu cultivé le don de soi dans ma vie, mais j’ai en revanche cultivé le don de la passion de l’histoire dans de nombreux jours ordinaires. Et c’est ainsi qu’en cherchant des renseignements sur internet à propos d’Arnaud Beltrame je tombais sur une page Wikipédia bien garnie qui détaillait ses origines, son parcours professionnel, sa vie privée tel que l’on peut en trouver pour des personnalités renommées ou des héros. Face à cela j’eus le réflexe en passionné d’histoire de me demander pourquoi il n’y avait pas de pages Wikipedia pour tous ces soldats de 18 à 50 ans, de toutes origines sociales en allant du jeune normalien parisien au paysan finistérien qui il y a 100 ans se battaient dans les tranchées pour défendre la patrie attaquée sur son territoire par l’impérialisme allemand. En effet quelle est la différence entre les poilus qui ont donné leur vie pour défendre la nation de la menace allemande et ce lieutenant colonel qui s’est sacrifié contre le terrorisme islamique.

À Première vue je dirais aucune et on pourrait alors penser que cet hommage national rendu aux Invalides montre la fragilité de la société française où prime l’individualisme nourri par le consumérisme et le libéralisme qui voit sa sensibilité exacerbée face à un altruisme qui apparaissait comme un simple devoir civique il y a 100 ans. De plus, je fais sans doute preuve de malhonnêteté intellectuelle, car les Poilus ont droit à leur hommage national chaque 11 novembre sur le monument au mort de chaque commune de France.

Mais avec du recul l’hommage national est différent que celui donné aux morts de la Grande Guerre. Car bien que Arnaud Beltrame a realisé le même sacrifice que toute une génération a faite il y a 100 ans, ce sacrifice est autre. En effet , en 1922 dans un article du journal l’Humanité Anatole France écrit « on croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels » pour dénoncer toute l’horreur de cette Grande Guerre qui 100 ans après peut se résumer à une véritable boucherie (qui fait 1,4 millions de morts coté français) au service d’intérêts impérialistes des différents cotés. On en déduit donc que les poilus morts durant la Première Guerre mondiale sont bien évidemment des héros de par leur devoir, mais ils sont aussi des victimes de la boucle infernale de l’Impérialisme, du Capitalisme d’État et du nationalisme revanchard dont ils étaient nourris depuis leur tendre enfance par les Hussards noirs de la Troisième République avec le célèbre manuel d’histoire d’Ernest Lavisse. C’est ainsi que contrairement à l’image des trains de plaisir pour Berlin, en 1914 nombreux sont les Français qui vont sur le front par devoir, mais non par volonté de participer à quelque chose qui les dépasse ou par héroïsme républicain hérité des guerres napoléoniennes.

Or dans le cas récent de Arnaud Beltrame, ce qui dépasse et qui émeut tant le peuple français c’est le choix libre par la raison d’échanger sa vie pour quelqu’un non par pression sociale, non par résignation, non pour des intérets économiques mais pour la grâce et la raison face à l’obscurantisme et le narcissisme destructeur. Par son acte, Beltrame a illustré de manière libre ses idées inspirées de Christianisme (« Dieu aime la justice et la droiture. La grâce de l’Éternel remplit la terre. »Psaume 33:5) et de l’idéal républicain français (« La République vous appelle sachons vaincre ou sachons périr, un Francais doit vivre pour elle, pour elle un Français doit mourir » Le chant du départ-1793). Ce sacrifice apparait donc comme une lumière d’espoir dans un monde où la patrie semble de plus en plus oubliée au profit de l’individu consommateur et atomisé et montre donc que contrairement à ce que disait Tatcher il peut y avoir une alternative au système contemporain si chacun s’inspire de ce geste altruiste. Voilà le message que chaque Français doit retenir de ce geste.

Pour conclure, la citation de Pier Paolo Pasolini « Le passéiste célèbre les cicatrices, le révolutionnaire les rouvre pour guérir l’avenir » illustre parfaitement le sens du sacrifice d’Arnaud Beltrame dans une France de plus en plus repentie vis-à-vis de son passé.

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