Souviens-toi le quinquennat dernier

Le Cercle des Patriotes Disparus avait été lancé en réaction à l’élection d’Emmanuel Macron il y a 5 ans, en 2017. Au début de notre aventure, nous ne pensions pas que ce quinquennat offrirait les terribles opportunités qu’un management fait raison d’État saisirait pour affûter comme jamais ses armes de domination de la vie humaine.

Des Gilets Jaunes à la pandémie de Covid-19, en passant par le phénomène d’Emmanuel Macron lui-même, ces cinq dernières années ont aussi vu le triomphe d’une passivité citoyenne des plus graves au fur et à mesure que cet interrègne du morbide dévoilait ce qu’il pouvait receler de plus médiocre et de plus brutal sur le pays. Des « petites phrases » témoignant d’un mépris hors norme de la part du chef de l’Etat vis-à-vis des citoyens qu’il est censé représenter à la destruction systématique des ruines du service public justifiée à grands renforts d’arguties laborieuses que les Shadoks n’auraient pas reniées, on ne nous aura même pas épargné au malheur d’être vaincus le ridicule d’être dupés.

La recomposition politique attendue en 2017 n’a pas eu lieu. Pire, elle a cristallisé un retour atavique de la « troisième force » telle qu’on l’avait connu sous la IVe République : un centre saturnien qui dévore ceux qui l’entourent pour les digérer dans une mélasse politicienne dont les envols supérieurs de l’esprit pourraient s’illustrer par les livres porno-chics d’une ministre chargée de l’Égalité au doux patronyme signifiant « cancre » en italien. Du côté des institutions, en particulier des contre-pouvoirs, nous avons vu le Conseil d’Etat valider le principe d’une dérogation attestée pour soi-même pour avoir le droit de sortir dans l’espace public, tandis que le Conseil Constitutionnel flirtait avec une téléologie nouvelle dont la logique consistait à renforcer le dévoiement de la décision publique par un Président de la République se considérant comme le happy manager d’une start-up de quelques 70 millions de précaires. Comme le formulait si bien Chevènement lorsqu’il cultivait encore l’illusion d’être chevènementiste : « nos dirigeants ne veulent plus gouverner. Ils veulent gouvernancer : les privilèges des fonctions sans les responsabilités. C’est cette conception de la politique qui est ringarde. »[1]

S’il serait confortable de gloser à loisir sur la révolte des élites et la dégénérescence de celles-ci, cela ne constituerait cependant pas une interprétation satisfaisante de ce que nous avons vu lors de ce quinquennat. Plongés dans une sorte de terrier à l’image d’Alice, il nous faut admettre que parmi la galerie de personnages fantasques, souvent glauques, que nous avons croisés, notre reflet s’y trouvait également.

Les citoyens se sont en effet révélés être les figurants d’un théâtre d’ombres aux silhouettes vagues et inquiétantes. Peu intéressés par les causes qui ont provoqué le mouvement des Gilets Jaunes, sinon lors des enquêtes d’opinion, ils ont fait preuve d’un instinct troglodyte répugnant lors des confinements imposés en 2020 en dénonçant à tour de bras leurs voisins ou même tout badaud leur paraissant antipathique et qui eut le malheur d’allumer une cigarette sur le perron de sa propre porte sans porter de masque sous le menton. Bernanos ne s’y trompait pas quand il déplorait une intoxication vichyste qui empoisonnait toujours les veines des Français au lendemain de la Libération : force est de constater que les toxines sont toujours bien présentes quelque huit décennies plus tard. Au lieu de réagir énergiquement aux règles absurdes qui leur étaient imposées, ils ont fait preuve au contraire d’un ravissement sans borne dans l’humiliation quotidienne que le gouvernement leur infligeait.

Outre la critique quelque peu amère que l’on peut adresser à ses compatriotes, force est de constater une fois encore les limites d’un système représentatif où le vote obligatoire fait défaut. Un parlementarisme où le vote n’est qu’un droit au lieu d’un devoir ne peut être que la porte ouverte au dévoiement de la représentation nationale par des mercenaires politiques ou sa confiscation au profit d’intérêts privés ; favorisant l’émergence de féodaux républicains qui usurpent le mandat qu’ils n’obtiennent que grâce à une poignée d’individus séduits par une subtile démagogie. Si l’élection n’est évidemment pas en soi la panacée d’une démocratie, elle ne peut fonctionner s’il est permit au corps électoral de rester chez lui le jour d’un scrutin, quel qu’il soit, sans compter les écarts qu’il est parfois possible de relever dans certaines communes entre le nombre d’habitants et le nombre d’inscrits sur les listes électorales.

Le phénomène du vote des retraités, ou des personnes largement issues de la génération dite des « baby boomers », illustre cette captation des scrutins par une minorité caractérisée par son confort économique et sa prédation sociale. Les « boomers », comme on a désormais l’habitude de les railler, représentent la génération qui a le moins travaillé tout en ayant bénéficié dans sa jeunesse d’une optimisation économique telle de leur société d’alors qu’ils détiennent en 2021 la majeure partie du parc immobilier national. Génération de propriétaires, il faut encore ajouter leur singularité propre : celle d’être marqué au fer rouge par les événements de mai 1968.

Exhortant leurs propres enfants à travailler plus qu’ils ne l’ont jamais fait afin de maintenir leur niveau de vie, ils ergotent à souhait sur la perte du goût du travail de la nouvelle génération. N’importe quelle personne née dans les années 1990 censée travailler prétendument à 35h hebdomadaires en effectue en réalité 40 et troquerait volontiers les pressions professionnelles du XXIe siècle contre la douce époque où le minitel n’existait même pas, d’autant que les plus de 65 ans qui ont bénéficié de la retraite à 60 ans veulent en priver les jeunes. Le temps s’est comprimé, et avec lui le culte du travail et ses évangélistes du rendement ont connu une gloire si inouïe que l’Église catholique même doit probablement jalouser dans le secret de ses vieilles alcôves poussiéreuses attirant à peine quelques touristes rosâtres qui s’y aventurent de temps en temps à la belle saison. Si des sociologues rechignent encore à reconnaître que les « boomers » constituent une classe sociale à part — et qu’à ce titre leurs habitudes électorales s’inscrivent directement dans la lutte des classes — les statistiques dressées à l’issue du second tour de l’élection présidentielle ont eut le mérite de révéler la tendance égoïste qu’ils représentent électoralement, et hélas décisive lors des scrutins. Le vote des retraités affirme une tendance nette à une préservation non pas des acquis sociaux, mais à la conservation jalouse des privilèges d’une génération pourrie-gâtée qui sacrifie ses propres enfants pour ce faire. Chose donc inédite : la lutte des générations se confond totalement avec la lutte des classes. S’il reste toujours des vieilles barbes républicaines pour former la jeunesse, elles savent au fond qu’elles n’ont pu empêcher le monde de se défaire. Leurs contemporains ont rapiné les centres du pouvoir comme une horde de Huns déferlant sur la Gaule. « Le slogan libertaire “vivre et jouir sans entrave” sert surtout aujourd’hui à pimenter d’anticonformisme l’exacerbation de l’individualisme (libéral ou pas). L’interdiction d’interdire, après avoir légitimé la démission des parents et encouragé à l’école les errements du pédagogisme, nourrit maintenant le rêve de l’État minimal. »[2]

Critiqués déjà à leur époque par des auteurs tels que Pier Paolo Pasolini sur leur tendance à l’hédonisme sans limite et leur obsession névrotique à satisfaire les obligations sociales qu’ils ont eux-mêmes façonné au nom de leur libertarisme débridé, les voici désormais décatis mais terrifiés par la mort. La pandémie de Covid-19 a révélé au monde entier ce qu’ils sont : des Morticoles prêt à tout sacrifier pourvu qu’ils restent en vie, s’en remettant à des remèdes qui ont surtout eu pour effet de tuer les derniers anticorps républicains qui restaient encore ici et là.

Nonobstant cette digression, l’attitude de nos retraités ne peut excuser non plus l’absence de sursaut républicain lors de ce scrutin capital dans le système de la Ve République. C’est qu’il faut dire que le citoyen français est devenu une espèce bien à part. Il craint le fascisme une fois tous les cinq ans seulement, mais semble incapable de le reconnaître quand il se tient sous ses yeux, en particulier quand on lui impose une dérogation pour sortir de chez lui sous peine d’amende, ou quand on casse du prolétaire en plein Paris pendant plusieurs mois parce que voir du rural manifester à la capitale fait désordre. Le barrage pseudo-républicain animé par un antifascisme d’opérette fonctionne toujours en 2022, quitte à faire preuve de galipettes intellectuelles impossibles pour voter en faveur de la retraite à 65 ans tout en se disant de gauche ou encore à l’européisme guerrier d’Emmanuel Macron tout en se proclamant gaulliste. L’important, c’est « le moindre mal », l’idée qu’en face — qu’il s’agisse au fond de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Le Pen —, ce serait nécessairement pire sans pour autant que cet élan irrationnel ne se repose sur autre chose que des invocations de toutes sortes au sujet d’une époque définitivement révolue depuis 1945.

« Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal »[3], comme le disait si bien Hannah Arendt. Mieux même, c’est une technique propre au totalitarisme : « Si on considère les techniques de gouvernement totalitaire, il est évident que le raisonnement du « moindre mal » — loin d’être avancé seulement de l’extérieur par ceux qui n’appartiennent pas à l’élite au pouvoir — est l’un des mécanismes intégrés à la machinerie de terreur et de la criminalité »[4].

Pourtant, tout ce qu’il était possible de redouter de la part de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Le Pen par l’un ou l’autre camp politique a été commis, et même au-delà, par Emmanuel Macron. La répression sanglante de toute protestation civique, la passivité coupable face aux dérives de l’islamisme ou la mainmise du gauchisme dans les facs, sans compter le démantèlement de l’Etat qui n’est plus qu’une simple ressource pour le secteur privé au détriment du service public, dans son acception la plus large, dont les ruines mêmes ne seront pas épargnées. Les affaires se cumulent depuis 2017, et même rétroactivement d’ailleurs, d’Alstom à McKinsey. La pandémie de Covid-19 a été l’acmé de tout l’amateurisme autoritaire dont pouvait faire preuve cet interrègne du morbide. On flirt avec la haute-trahison, on pantoufle quand on s’ennuie et on traite d’imbéciles les quelques-uns qui refusent l’humiliation collective qui leur est imposée. Bref, « l’acceptation du moindre mal est consciemment utilisée pour conditionner les fonctionnaires comme la population en général à accepter le mal comme tel »[5].

La lutte culturelle menée par des Rantanplan politiques ?

Les idées souverainistes sont-elles pour autant à remettre au placard ? La souveraineté populaire, est certes mises à mal par l’incroyable manufacture du consentement qui est à l’œuvre, dégoûtant une partie importante du corps électoral qui abandonne le monopole des élections à une minorité. Si le vote obligatoire est un début de solution, il ne peut tout résoudre quand une machinerie médiatique cherche à influencer les cerveaux au lieu d’informer les esprits, ni quand on cultive le dégoût de l’effort depuis l’enfance à l’aide d’un système scolaire qui éduque des automates plus qu’il n’instruit des citoyens en devenir. Ces constats sont largement analysés depuis des années, il est inutile d’y revenir.

Si l’on se focalise sur l’élection présidentielle de 2022, il pourrait être opportun de s’attarder quelques instants sur les acteurs de ce qu’on pourrait dénommer le « camp national » au sens large, aussi confus cette appellation puisse-t-elle être.

Eric Zemmour a connu une longue agonie, partant de 18% lors des premiers sondages pour s’écraser lourdement à 6,8% le soir du premier tour, le 10 avril 2022. Si la chute peut sembler comparable à celle de Chevènement en 2002, les causes ne sont pas les mêmes. Contrairement à l’ancien ministre de l’Intérieur, Eric Zemmour a bénéficié d’une projection médiatique que seul Emmanuel Macron avait connu jusqu’alors. A l’automne 2021, entre sa pré-campagne électorale, sa déclaration de candidature et la primaire du centre-droit où gesticulaient quelques figurants telle que Valérie Pécresse, Eric Zemmour a eu le loisir d’étaler autant qu’il le souhaitait ses thématiques de campagne mais s’est montré incapable de les faire fructifier. Faisant de Jean-Luc Mélenchon son adversaire principal, la campagne a également révélé que l’électorat conséquent de ce dernier ne s’est pas montré sensible à l’évacuation totale des enjeux laïcs et républicains de La France Insoumise au profit d’une fascination infantile pour l’islam radical et ses représentants les plus vulgaires que ses troupes ont pu fournir pour la bataille des législatives de juin 2022.

Si Éric Zemmour doit donc reprocher son résultat médiocre, c’est avant tout à lui-même et les mauvaises stratégies qu’il n’a su remettre en question, si tant est qu’il a admis depuis qu’elles étaient effectivement mauvaises. Sermonnant l’auditeur sur une crise civilisationnelle sans précédent en réduisant les questions socio-économiques à des boniments libéraux de lycéen quand l’auditeur en question a du mal à boucler ses fins du mois n’était manifestement pas la plus brillante des idées. Une fois admis que la différence principale avec Macron ne tenait que sur le rejet de l’immigration, mais pas du système économique ou européen, Éric Zemmour n’a su faire mieux que de s’entêter dans une croisade incompréhensible aux yeux des Français qui ont fini par se raccrocher à des figures qu’ils connaissaient, et donc les rassuraient. Il est d’ailleurs amusant de relever qu’Éric Zemmour évitait soigneusement d’évoquer les carnages sociaux commis par le Parti socialiste puis La République En Marche depuis 2012 ; une omission qui en dit long sur la fibre social d’un homme qui pourtant connait parfaitement ses gammes marxistes. Si les Français ont pu apprécier le polémiste qu’était Éric Zemmour, force est de constater que la mue en homme politique n’a pas opéré. Du reste, il n’y a sans doute pas grand-chose à penser d’un homme qui nous explique que lire Hippolyte Taine a « bouleversé » sa vision de la Révolution française quand l’enjeu est d’apporter ce qui a tant manqué au Français ces deux dernières années en particulier : des certitudes pour leur avenir.

C’est d’ailleurs probablement cette incapacité d’Éric Zemmour à projeter les Français, conjuguée au concert des sondages et des militants du « vote utile », que Marine Le Pen est parvenue à se hisser au second tour pour la deuxième fois consécutive. Ayant mieux appréhendé les besoins des Français, ne cédant pas aux sirènes néolibérales sur le report de l’âge de départ à la retraite par exemple et son visage connu ont sans doute contribué à l’assagir tandis qu’Éric Zemmour s’épuisait et nous épuisait à ne parler que d’immigration au point qu’il aura au final plus contribuer à caricaturer cette problématique qu’à la faire comprendre au plus grand nombre. Du reste, le programme du Rassemblement National n’est guère plus différent de celui du RPR des années 1990, et sa sociologie électorale est semblable à celle de la gauche en 1981, avant le tournant de la rigueur opéré par Mitterrand.

Pourtant, Marine Le Pen et son parti incarnent toujours la meilleure assurance-vie du système, preuve en est de la réélection d’Emmanuel Macron. Empêtrée elle-même dans des affaires de fraude vis-à-vis du Parlement européen, elle n’a pu attaquer le Président sortant sur ses propres turpitudes liées à Alstom ou McKinsey, qui auraient pourtant suffit à elles seules de l’éjecter du palais de l’Élysée. La peur d’un fascisme fantasmagorique reste prégnante dans l’imaginaire collectif, qui n’arrive pas à le dissocier du nom Le Pen ou du Rassemblement National. Enfin, le manque de cadres, l’absence de toute culture d’alliance et les atermoiements sur l’Union européenne qui ont succédé au désastreux second tour de 2017 ont fragilisé la crédibilité idéologique de ce parti et rendu sa candidate fébrile au point que sa meilleure stratégie soit d’éviter de rappeler à son adversaires ses casseroles qui auraient rendus fou de joie un scénariste de House of Cards. Force est de constater que les électeurs de Marine Le Pen ont avant tout voté pour elles parce qu’elle était la meilleure opposante à Emmanuel Macron tout comme l’électeur moyen rechigne à voter pour un « petit candidat ».

Les projets de petits partis comme République Souveraine ou l’Union Populaire Républicaine, pour aussi intéressants qu’ils soient, n’intéressent pas les masses. Trop microscopiques, attirant avant tout des personnalités à l’intellect déjà structuré, ils ne prêchent que des convertis. Faire « le pari de l’intelligence » n’a hélas jamais été porteur électoralement.

Si l’adhésion à tout projet « souverainiste » a sans doute progressé, le degré d’adhésion reste marginal à côté du rejet du système que subissent les citoyens qui, il faut bien le dire, ont bien du mal à mettre le doigt sur les causes réelles de leurs maux, ou sont trop effrayés par les conclusions à tirer pour les reconnaître. Si le pays n’a jamais été aussi fracturé qu’aujourd’hui, il n’y a hélas aucune force politique à même de conduire à la formation d’un « bloc historique » qui permettrait de renverser la mainmise de nos institutions par une petite élite de bureaucrates qui voit le monde en tableaux Excels. Il est à craindre qu’à court terme, la troisième force incarnée par La République en Marche finisse d’agglomérer à elle les derniers appareils qui se targuaient d’être différents d’elle tout en voulant mener les mêmes politiques. L’existence de la « quadrille bipolaire » théorisée par Maurice Duverger semble renvoyée aux seuls manuels de droit constitutionnels pour un temps. La gauche est éparpillée en confettis, écrasée par l’hégémonie du gauchisme incarnée par La France Insoumise dont l’évacuation totale des enjeux de laïcité, de républicanisme ou de souveraineté nationale ne semblent pas avoir ému ses électeurs plus que ceux du Parti socialiste converti par Terra Nova. Entendons-bien cependant sur la notion de gauchisme, souvent invoquée par des analphabètes du même niveau que ceux hurlant au fascisme au moindre prétexte : nous entendons par gauchisme une force politique infantile prétendant à la pureté morale de façon exclusive conduisant à qualifier de fasciste tout élément remettant en question sa manière de voir le monde.

La droite de l’échiquier politique semble, quant à elle, prête à subir le même effondrement. La droite se déchiquète entre un Rassemblement national fort mais incapable de surmonter son rôle d’épouvantail et des gaullistes de carnaval qui s’accordent très bien avec un centre obèse auxquels ils s’agglutinent à l’insu de leur plein gré tandis que l’anthropophagie de la gauche semble s’achever dans l’acide gastrique de Jean-Luc Mélenchon. Il n’y a sans doute plus rien à tirer d’un système où il est naturel de considérer qu’un citoyen puisse être avant tout un citoyen passif, ni d’une classe politique tenant des débats de sous-préfets émoustillant des retraités sur la quatrième tranche d’impôts.

La mort des partis politiques annoncée depuis des lustres semble cependant se faire attendre. Plus que le clivage gauche-droite insensé qui détermine encore le choix électoral, les partis politiques semblent toujours vivaces, mêmes s’ils se polarisent autour de ces trois personnalités principales que sont Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Les gens ont besoin d’étiquettes, les partis sont celles du vaste supermarché électoral, avec leurs AOC, garantis avec ou sans OGM et autres labels douteux.

Il faut admettre que le citoyen, tout passif qu’il soit électoralement, ne se dépolitise pas totalement. L’émission débilitante de Cyril Hanouna en est l’exemple frappant : de divertissement elle a évoluée en émission politique. Ce changement ne signifie en revanche pas que les citoyens s’intéressent de plus près à la chose publique, mais que la politique a terminé son homologation par la société du spectacle. Les émissions et débats en tout genre sont appréhendés au même titre qu’une fiction, ou une émission de télé-réalité dans le meilleur des cas. Les électeurs ont déréalisé la politique. Ils regardent un débat opposant deux personnalités avec la même attitude qu’un match de football et sont friands des médiocres discussions entre éditorialistes discutant de sujets qu’ils maîtrisent à peu près aussi bien qu’un pachyderme le patinage artistique. Notre transformation en lotophages est ainsi accomplie ; nous nous gavons de lotus avec pour seule anxiété celle d’en manquer alors que nous en ingurgitons des quantités toujours plus phénoménales. Ce cycle sans fin continuera encore et encore ; depuis que le confort est opposé à la liberté, il n’y a aucune cause qui mérite qu’on se batte pour elle puisque tout est affaire de moindre mal. La prophétie de Malaparte s’est ainsi réalisée : nous avons été maîtrisés par les petits-bourgeois.

NOTES :

[1]Jean-Pierre Chevènement

[2] Jean-Pierre Chevènement, in La République contre les bien-pensants

[3] Hannah Arrendt, in Responsabilité et jugement

[4] Hannah Arrendt, in Responsabilité et jugement

[4] Hannah Arrendt, in Responsabilité et jugement

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